Contenu:

  • La valeur locative augmente le revenu imposable des propriĂ©taires et s’élève Ă  60% au moins de la valeur de marchĂ©.
  • Sont dĂ©ductibles fiscalement de la valeur locative les intĂ©rĂŞts hypothĂ©caires, les frais de rĂ©novations permettant de maintenir la valeur du bien et certains frais accessoires.
  • En dĂ©cembre 2024, le Parlement a dĂ©cidĂ© de supprimer la valeur locative et de nombreuses possibilitĂ©s de dĂ©duction.
  • La °ůĂ©´Ú´Ç°ůłľ±đ doit ĂŞtre confirmĂ©e par rĂ©fĂ©rendum.
  • Conclusion

La Suisse fait partie des rares pays où les propriétaires paient des impôts sur les appartements ou les maisons qu’ils occupent eux-mêmes. Cette situation pourrait changer. Après des décennies de discussions sur la suppression de l’imposition de la valeur locative, le Conseil national et le Conseil des Etats sont parvenus en décembre 2024 à un consensus ouvrant la voie à un changement fondamental.

Nous vous montrons comment fonctionne actuellement l’imposition de la valeur locative, comment rĂ©duire la charge qui y est liĂ©e et ce que la °ůĂ©´Ú´Ç°ůłľ±đ prĂ©vue signifierait pour vous.

Qu’est-ce que la valeur locative et comment est-elle déterminée?

La valeur locative correspond au loyer fictif que les propriétaires pourraient obtenir en louant leur logement; elle est imposable en tant que revenu. Selon le Tribunal fédéral, la valeur locative doit représenter au minimum 60% et au maximum 70% du loyer habituel sur le marché. Elle est déterminée par les administrations fiscales cantonales. Les cantons sont libres de choisir le mode de calcul.

Le système actuel génère des revenus fiscaux élevés pour la Confédération et les cantons, de l’ordre de 1,5 à 2 milliards de francs par an pour des taux d’intérêt hypothécaires moyens de 2%. Le calcul, l’adaptation et la mise en œuvre de la valeur locative engendrent cependant une forte charge administrative.

Exemple de calcul de la valeur locative

La famille Bürgler habite dans le canton de Zurich. Les parents travaillent chacun à 50%, et leur revenu imposable est de 100 000 francs. L’administration fiscale estime que leur bien immobilier rapporterait un loyer de 36 000 francs par an sur le marché. Il pourrait donc être loué pour 3000 francs par mois (3000 × 12). Si l’on suppose que, dans cet exemple, la valeur locative équivaut à 70% de la valeur de marché, elle s’élève donc à 25 200 francs (36 000 × 0,7).

Le revenu imposable de la famille Bürgler s’élève donc à 125 200 francs (25 200 + 100 000).

En outre, la maison familiale des Bürgler est grevée d’une hypothèque de 850 000 francs, à un taux de 1,5%. La charge représentée par les intérêts hypothécaires s’élève à 12 750 francs (850 000 × 1,5%). S’y ajoutent des frais d’entretien de 7500 francs. Tant les intérêts que les frais d’entretien peuvent être déduits de la valeur locative. Cette dernière s’en trouve donc réduite à 4950 francs (25 200 – 7500 – 12 750).

Le revenu imposable de la famille BĂĽrgler, y compris la valeur locative, se monte donc Ă  104 950 francs (100 000 de revenus du travail + 4950 de valeur locative).

Différences de calcul régionales

Les cantons suisses disposent d’une certaine marge de manœuvre lors du calcul de la valeur locative. Ils peuvent en effet la fixer à un niveau supérieur au minimum de 60% défini par le Tribunal fédéral. En outre, les cantons sont libres de choisir la méthode de calcul du loyer servant de base pour la valeur locative.

Au total, onze cantons se basent sur le loyer comparatif. Ils calculent la valeur locative sur la base du loyer usuel sur un marché et dans une région donnés: Appenzell Rhodes-Intérieures, Appenzell Rhodes-Extérieures, Glaris, Grisons, Lucerne, Saint-Gall, Schaffhouse, Schwytz, Tessin, Uri et Valais.

Sept cantons se fondent sur la procédure d’estimation individuelle. Ils calculent la valeur locative avec un modèle hédoniste. Dans ce mode d’estimation, la valeur du bien immobilier est dérivée des prix de vente effectivement obtenus pour des propriétés comparables: Argovie, Berne, Fribourg, Jura, Nidwald, Obwald et Thurgovie.

Les cantons de Bâle-Campagne, Bâle-Ville, Genève, Neuchâtel, Soleure, Vaud, Zoug et Zurich ont développé leurs propres méthodes d’estimation.

Réclamation en cas de valeur mal calculée

Les autorités fiscales réévaluent périodiquement la valeur locative de votre propriété. Il peut arriver que celle-là soit, à tort, trop élevée. Notamment parce que des modifications apportées au bâtiment ou son utilisation comme habitation (par exemple occupation partielle seulement) ne sont pas prises en compte. Par conséquent, il est recommandé de vérifier la valeur locative dans la taxation fiscale et de la comparer avec celle des années précédentes. Si celle-là a effectivement été mal calculée, contactez directement l’administration fiscale compétente dans le délai imparti (en général 30 jours) pour déposer une réclamation par écrit.

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Comment réduire sa charge fiscale?

En contrepartie de l’imposition de la valeur locative, vous pouvez, en tant que propriétaire, déduire de votre valeur locative des frais directement liés au bien immobilier. Les frais déductibles recouvrent notamment les intérêts hypothécaires et les frais d’entretien. Votre charge fiscale effective s’en trouve considérablement réduite.

Chaque année, vous pouvez choisir de déduire soit les frais d’entretien réels soit un montant forfaitaire. Dans la plupart des cantons, la déduction forfaitaire se situe entre 10 et 20% de la valeur locative, selon l’âge du bien.

Quels frais peuvent être déduits fiscalement de la valeur locative?

  • IntĂ©rĂŞts hypothĂ©caires
  • Assurances des bâtiments
  • ¸éĂ©˛Ô´Ç±ą˛ąłŮľ±´Ç˛Ôs maintenant la valeur (par exemple nouvelles fenĂŞtres ou meilleure isolation)
  • RĂ©parations dans l’habitation (par exemple installations sanitaires ou travaux de peinture)
  • Appareils Ă©lectromĂ©nagers fixes comme une plaque de cuisson, un rĂ©frigĂ©rateur ou un lave-linge
  • Investissements augmentant la valeur afin d’amĂ©liorer l’efficacitĂ© Ă©nergĂ©tique ou d’utiliser des Ă©nergies renouvelables (pas dans tous les cantons)

Quelle est l’influence du niveau des taux d’intérêt?

Le montant de la charge fiscale due à la valeur locative dépend fortement du niveau des taux. Tant que les taux d’intérêt hypothécaires étaient bas, les déductions pour de nombreux propriétaires immobiliers étaient inférieures à l’impôt sur la valeur locative. La suppression de cette imposition serait bénéfique pour ces propriétaires.

Il faudrait que les taux hypothécaires soient plus élevés de plus de 2% et que le taux de nantissement atteigne au moins 60% pour que la déduction des intérêts hypothécaires dépasse l’impôt sur la valeur locative pour une propriété récente. Dans ce cas de figure, un changement de système serait désavantageux fiscalement pour de nombreux propriétaires.

Quel est l’évolution prévue des taux hypothécaires?

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Pourquoi l’imposition de la valeur locative devrait-elle être supprimée?

Le concept de valeur locative est controversĂ© depuis longtemps. Il a Ă©tĂ© introduit en 1934 comme mesure d’urgence pour assainir le budget fĂ©dĂ©ral, mais une °ůĂ©´Ú´Ç°ůłľ±đ est discutĂ©e depuis de nombreuses annĂ©es. Pour les propriĂ©taires, il semble absurde de devoir imposer un revenu «fictif». D’autres points font aussi l’objet de critiques, comme la difficultĂ© Ă  pratiquer un traitement fiscal vĂ©ritablement Ă©quitable, la lourdeur de la charge administrative nĂ©cessaire et l’incitation Ă  l’endettement induite. Ces griefs revenant rĂ©gulièrement, le Conseil national et le Conseil des Etats se sont mis d’accord en dĂ©cembre 2024, après sept ans de dĂ©bats parlementaires, sur un changement de système.

La discussion sur la valeur locative et sur son abandon connaît ainsi un nouvel épisode, mais n’est pas encore close. Elle ne le sera que le jour où le peuple suisse aura exprimé son choix.

Lorsque les taux d’intérêt sont bas, les propriétaires ont plus d’argent à disposition en l’absence d’une imposition de la valeur locative et peuvent donc financer plus facilement des rénovations à long terme.

Qu’a décidé concrètement le Parlement?

  • Suppression de la valeur locative: la valeur locative est supprimĂ©e pour la rĂ©sidence principale ainsi que pour les rĂ©sidences secondaires.
  • DĂ©ductions supprimĂ©es: pour les rĂ©sidences principales et les rĂ©sidences secondaires exemptĂ©es de la valeur locative, les frais d’entretien et autres frais dits «gĂ©nĂ©raux» ne peuvent plus ĂŞtre dĂ©duits. Les dĂ©ductions pour les mesures d’économie d’énergie et de protection de l’environnement ainsi que pour les frais de dĂ©molition doivent Ă©galement ĂŞtre supprimĂ©es au niveau fĂ©dĂ©ral.
  • DĂ©ductions maintenues: pour les biens louĂ©s et affermĂ©s, les frais d’entretien peuvent continuer Ă  ĂŞtre dĂ©duits, car les revenus locatifs restent eux aussi imposables. Pour les logements occupĂ©s par leur propriĂ©taire, une dĂ©duction pour les travaux de conservation des monuments devrait pouvoir continuer Ă  ĂŞtre appliquĂ©e au niveau fĂ©dĂ©ral.
  • DĂ©ductions possibles au niveau cantonal: les dĂ©ductions pour la conservation des monuments, la dĂ©molition et les rĂ©novations Ă©nergĂ©tiques restent possibles au niveau cantonal (pour les rĂ©novations Ă©nergĂ©tiques jusqu’en 2050).
  • DĂ©duction des intĂ©rĂŞts passifs privĂ©s: la dĂ©duction subit une limitation. Si quelqu’un possède d’autres propriĂ©tĂ©s en plus de celle qu’il utilise pour ses propres besoins, les intĂ©rĂŞts passifs ne peuvent plus ĂŞtre dĂ©duits que proportionnellement. La dĂ©ductibilitĂ© dite «proportionnelle restrictive» est basĂ©e sur la part de biens immobiliers (Ă  l’exclusion du bien occupĂ© par son propriĂ©taire) par rapport au patrimoine total. De plus, les intĂ©rĂŞts hypothĂ©caires ne peuvent ĂŞtre partiellement dĂ©duits que lors de l’acquisition d’un premier bien immobilier.
  • Privilège de primo-acquĂ©reur: les personnes qui achètent pour la première fois un logement peuvent dĂ©duire une partie des intĂ©rĂŞts hypothĂ©caires au cours des dix premières annĂ©es. Cette dĂ©duction s’élève Ă  5000 francs pour une personne seule et Ă  10 000 francs pour les couples mariĂ©s. Elle diminuerait de 1000 francs par an pendant dix ans.
  • ImpĂ´t rĂ©el sur les rĂ©sidences secondaires: lors de l’entrĂ©e en vigueur du changement de système, les cantons peuvent percevoir un nouvel impĂ´t sur les rĂ©sidences secondaires. Cette dĂ©cision doit permettre aux cantons de montagne, en particulier, qui subissent des pertes de revenus dues Ă  la suppression de la taxation de la valeur locative, de les compenser.

Qui seraient les gagnants d’une suppression?

Les bĂ©nĂ©ficiaires de la °ůĂ©´Ú´Ç°ůłľ±đ fiscale seraient, en cas de taux hypothĂ©caires bas, les propriĂ©taires de logements rĂ©cents dans les grands centres. La valeur locative est Ă©levĂ©e et les possibilitĂ©s de dĂ©duction supprimĂ©es ou limitĂ©es les affectent peu, car ils n’ont que très peu de frais d’entretien. Les nouveaux acquĂ©reurs bĂ©nĂ©ficient en plus de la dĂ©duction des intĂ©rĂŞts passifs prĂ©vue pour les primo-acquĂ©reurs.

Un changement de système profiterait aussi à ceux qui ont déjà amorti entièrement ou presque entièrement leur hypothèque, c’est-à-dire principalement les retraités. Dans leur cas, la suppression de l’imposition de la valeur locative a une forte incidence sur le plan de leurs revenus.

Et qui seraient les perdants?

Les perdants seraient plus probablement les propriétaires de biens immobiliers anciens nécessitant une rénovation. Les personnes qui, par exemple, achètent une vieille maison et investissent des montants importants dans sa rénovation ne pourraient plus déduire fiscalement une large part de ces frais. L’écart de prix entre constructions nouvelles et constructions anciennes se creuserait: les biens neufs deviendraient plus chers, tandis que les bâtiments anciens risqueraient de perdre de la valeur.

Les propriĂ©taires de rĂ©sidences secondaires devraient Ă©galement faire partie des perdants de la °ůĂ©´Ú´Ç°ůłľ±đ. On ne sait pas encore Ă  combien pourrait s’élever un nouvel impĂ´t rĂ©el au niveau cantonal. Les cantons de montagne seraient cependant incitĂ©s Ă  compenser non seulement les pertes liĂ©es Ă  la disparition de la valeur locative sur les rĂ©sidences secondaires, mais aussi Ă  lutter contre les «lits froids».

Par ailleurs, le secteur de la construction pourrait compter parmi les perdants de la °ůĂ©´Ú´Ç°ůłľ±đ fiscale parce que les incitations Ă  l’entretien des biens immobiliers diminueraient, mĂŞme si la demande pour des travaux de rĂ©novation et d’entretien pourrait encore augmenter brusquement juste avant le changement de système. En raison de la dĂ©ductibilitĂ© limitĂ©e des intĂ©rĂŞts passifs, la demande de prĂŞts hypothĂ©caires aussi pourrait diminuer. Le secteur bancaire dans son ensemble pourrait d’ailleurs figurer parmi les perdants.

Quelles sont les chances que la °ůĂ©´Ú´Ç°ůłľ±đ soit adoptĂ©e lors du vote populaire?

La suppression de l’imposition de la valeur locative entraînerait la disparition de recettes fiscales. Pour compenser au moins les pertes de recettes sur les résidences secondaires, le Conseil national et le Conseil des Etats ont convenu de créer une base de compétence pour prélever un impôt réel.

Les cantons ont ainsi la possibilité d’introduire un impôt spécial sur les résidences secondaires. La décision de la Confédération concernant les impôts immobiliers cantonaux sur les résidences secondaires est toutefois soumise au référendum obligatoire, car elle implique une modification de la Constitution fédérale. Lors de ce vote, qui aura probablement lieu à l’automne 2025, la majorité du peuple ainsi que celle des cantons sera requise.

On peut toutefois se demander si la dĂ©cision du Parlement obtiendra la majoritĂ© nĂ©cessaire lors du scrutin. Dans le passĂ©, deux °ůĂ©´Ú´Ç°ůłľ±đs de la valeur locative ont dĂ©jĂ  Ă©chouĂ© en rĂ©fĂ©rendum. L’issue de la votation ne dĂ©pendra pas seulement des proportions de gagnants et de perdants parmi les propriĂ©taires en cas de changement. Une majoritĂ© de la population ne possède pas de bien immobilier.

Les locataires baseront leur décision sur des critères différents de ceux des propriétaires. Par exemple, la nouvelle réglementation entraînerait des pertes fiscales pour la Confédération et les cantons. En outre, les mesures de modernisation et en faveur de la durabilité dans le secteur du bâtiment seraient retardées si les possibilités de déduction des frais d’entretien et de rénovation énergétique étaient supprimées au niveau fédéral.

La suppression de la valeur locative dépendra aussi de l’acceptation, par une majorité, du fait que les cantons puissent percevoir le nouvel impôt réel sur les résidences secondaires.

Un troisième rejet en votation n’est donc pas exclu.

Conclusion

Jusqu’au référendum, qui devrait avoir lieu à l’automne 2025, rien ne changera pour les propriétaires. En cas d’acceptation du projet, une entrée en vigueur est attendue au plus tôt en 2026, voire en 2027. Si le peuple rejette celui-là dans les urnes, la valeur locative sera maintenue et pourrait célébrer un siècle d’existence en 2034.

Pour le moment, les propriétaires n’ont d’autre choix que de faire valoir fiscalement leurs intérêts hypothécaires et autres coûts. Renseignez-vous donc précisément sur vos possibilités de déduction, qui peuvent varier d’un canton à l’autre.

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