En bref:

  • Les investissements dans des placements illiquides ont fortement augmentĂ©. Ils peuvent accroĂ®tre le rendement du portefeuille et amĂ©liorer la diversification.
  • La prime de risque en tant que compensation pour l’illiquiditĂ© inhĂ©rente est la motivation première de la dĂ©cision d’investissement.
  • Un horizon d’investissement long est une condition prĂ©alable Ă  l’utilisation de placements non liquides. Le rééquilibrage est un dĂ©fi et l’évaluation et la mesure des rĂ©sultats sont exigeantes.
  • Une comparaison critique et une analyse objective des coĂ»ts et des bĂ©nĂ©fices sont nĂ©cessaires lors de la sĂ©lection des produits.

La longue ère des taux d’intérêt négatifs est terminée, remplacée abruptement par un régime d’inflation persistante. Les deux phénomènes constituent les principaux moteurs poussant les institutions de prévoyance suisses à rechercher activement et de manière ciblée des possibilités de placement alternatives. À ce titre, l’objectif des investisseurs consiste à exploiter un nouveau potentiel de rendement et à mieux diversifier le portefeuille de placements afin de le rendre plus robuste ou – en nouvelle langue – plus résilient face aux fluctuations du marché. Le choix de ces possibilités de placement alternatives est aujourd’hui très vaste, car les besoins croissants des investisseurs ont entrainé une augmentation de l’offre de la part des fournisseurs de produits.

Par conséquent, le choix d’alternatives de placement dont disposent désormais les institutions de prévoyance est multiple et varié.
Il comprend des catégories de placement telles que l’immobilier suisse et étranger, les placements en infrastructures, le private equity et la dette privée ainsi que les hedge funds. Selon l’OPP 2, les placements en infrastructures sont même considérés comme des classes d’actifs distinctes depuis octobre 2020 et les placements privés suisses depuis janvier 2022.

Malgré leur diversité, ces alternatives de placement ont un point commun: elles sont nettement moins liquides que les actions et les obligations négociées en bourse.

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Définition de l’illiquidité

Que faut-il entendre exactement par illiquidité? II s’agit typiquement de la négociabilité limitée d’un instrument de placement. Cela signifie qu’il ne peut pas être vendu facilement et rapidement à un prix de marché équitable.

II convient toutefois de faire la distinction entre une illiquidité structurelle durable et une illiquidité situationnelle (soit temporaire). Structurelle signifie que l’illiquidité est une caractéristique inhérente à la catégorie de placement et qu’elle est donc connue de l’investisseuse ou de l’investisseur au moment de l’investissement. Il/elle est généralement dédommagé-e pour cela par une prime de risque correspondante, c’est-à-dire un rendement supplémentaire.

En revanche, une illiquidité situationnelle ou temporaire est une restriction inattendue de la négociabilité, par exemple en raison de tensions soudaines dans le système financier, de l’introduction de sanctions ou de défaillances techniques sur les plateformes de négociation. De tels évènements situationnels ne peuvent pas être anticipés et, par conséquent, n’offrent pas de prime de risque.

Facteur de motivation

La prime de risque mentionnée, en tant que compensation pour la caractéristique d’illiquidité inhérente, est une motivation essentielle pour la décision de placement. Elle permet d’obtenir systématiquement un rendement supplémentaire. Le prime de risque est toutefois loin d’être constante et peut fluctuer au fil du temps, en fonction des préférences de risque actuelles des acteurs du marché. Souvent, les placements illiquides présentent également un risque de change. Celui-ci peut (et devrait) toutefois être éliminé au moyen d’une couverture de change, car le fait de supporter le risque n’est pas indemnisé.

L’illiquidité inhérente n’est pas seulement présente dans les placements alternatifs mentionnés ci-dessus, mais peut également concerner les placements traditionnels. Ainsi, les actions de sociétés à faible capitalisation (small caps) présentent généralement une prime de risque par rapport aux grandes capitalisations, qui font l’objet de transactions beaucoup plus fréquentes et plus importantes.

Un horizon de placement long comme condition préalable

Une négociabilité réduite et, par conséquent, des coûts de transaction plus élevés présupposent manifestement un horizon de placement plus long. Les placements illiquides ne peuvent être utilisés que dans un contexte stratégique à long terme, ils ne se prêtent pas à des mesures tactiques. Les ajustements à court terme (surtout les ventes) sont soit techniquement impossibles, soit uniquement possibles en acceptant une décote significative, pour autant qu’il existe une forme de marché secondaire.

Cette marge de manœuvre limitée doit notamment être prise en compte lorsqu’il s’agit de réajuster régulièrement l’allocation effective de la fortune en fonction de la stratégie de placement.

Problématique de l’évaluation

Une négociabilité limitée implique nécessairement une transparence réduite des prix. Les prix actuels et équitables ne sont disponibles qu’à intervalles plus longs, voire seulement une fois par an (voir la fréquence des estimations pour les placements immobiliers directs). La volatilité des prix s’en trouve considérablement réduite.

II est toutefois trompeur d’assimiler cela a une réduction du risque. L’illusion d’un risque faible est détruite lorsque des transactions effectives sont nécessaires. Ce n’est qu’à ce moment-là que le risque se matérialise. II est donc difficile de procéder à une évaluation correcte et en temps utile et de l’intégrer dans un rapport d’investissement pertinent. L’interprétation des chiffres clés qui y figurent doit se faire avec les connaissances nécessaires.

L’intégration de placements illiquides dans la stratégie de placement, dans le seul but de lisser l’évaluation de la fortune de placement et donc l’évolution du taux de couverture, est une intention déloyale. Après-tout, cette démarche permet tout au mieux de dissimuler les risques existants. Cela peut, par exemple, poser des problèmes dans le cadre d’une procédure de liquidation partielle.

Mesure du succès

Les problèmes d’évaluation continuent au niveau de la mesure de la performance. Souvent, la mesure classique au moyen du Time-Weighted Rate of Return (TWR), qui est utilisée pour les placements liquides, n’est pas pertinente. À la place, on a recours au taux de rendement interne (Internal Rate of Return IRR), car celui-ci tient compte du montant et du moment des flux de paiement qui se produisent (de manière particulièrement prononcée pour les placements en private equity, par exemple). Une autre alternative réside dans les Private Market Equivalents (PME), qui garantissent une comparaison plus directe avec les rendements des placements cotés en bourse.

Toutes les méthodes fournissent des chiffres différents. Si de tels chiffres-clés servent de base de décision pour la mesure du succès et pour la suite des activités de placement, il faut tenir compte de leur pertinence.

Différence d’information

Les catégories de placement illiquides ont la fâcheuse tendance à être relativement complexes. Leur intégration dans la stratégie de placement ainsi que leur mise en œuvre par le biais de la sélection de véhicules de placement concrets ou de mandats de gestion de fortune exigent un savoir-faire et une expérience correspondants.

Pour limiter l’écart d’information entre le fournisseur de produits et l’investisseur, il est indispensable de s’intéresser de près aux spécificités des catégories d’investissement non liquides. Une fois qu’un investissement en private equity a été effectué, il est généralement (presque) impossible de revenir en arrière pour les dix prochaines années, par exemple.

L’effort de formation doit toutefois être proportionnel. Le temps consacré au traitement et à la discussion des placements illiquides au sein des comités de placement doit également être raisonnablement proportionnel à la part en pourcentage dans la stratégie de placement.

Analyse coûts-bénéfices

En raison de leur complexité, les placements illiquides ne sont pas bon marché. Les produits intelligents et prometteurs sont couteux et ont donc un prix justifié. Les frais peuvent toutefois être conçus de manière compliquée et comporter également une composante de réussite. Une comparaison critique et une analyse objective des coûts et des bénéfices sont dans tous les cas nécessaires.

Les placements illiquides soulèvent de nombreuses questions, posent de nombreux défis et entraînent également des coûts. Néanmoins, bien choisis et utilisés, les placements illiquides peuvent améliorer le rendement net et le risque de l’ensemble du portefeuille.

Portrait de Sven Ebeling

Sven Ebeling

Sven Ebeling est responsable Key Client Projects et Consultant Coverage au sein du service Global Asset Servicing d’Ă۶ąĘÓƵ depuis la mi-2021. Auparavant, il a dirigĂ© pendant dix ans le domaine d’activitĂ© Ă۶ąĘÓƵ Asset Servicing Suisse. Il a publiĂ© une cinquantaine d’articles spĂ©cialisĂ©s sur des thèmes de placement, il est chargĂ© de cours dans le cursus de formation MAS Gestion des caisses de pension de la Haute Ă©cole de Lucerne et membre de longue date du groupe spĂ©cialisĂ© «Kapitalanlagen» du magazine «Schweizer Personalvorsorge».

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