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Directives OPP 2: la fin d’un modèle?
Les institutions de prévoyance doivent respecter des directives de gestion de patrimoine, actuellement remises en question.
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Les institutions de prévoyance doivent respecter des directives de gestion de patrimoine, actuellement remises en question.
contient des instructions explicites sur la façon dont les institutions de prévoyance doivent gérer le patrimoine qui leur est confié. Pourquoi ces directives de placement sont-elles importantes? Pourquoi sont-elles régulièrement critiquées voire remises en question?
Source des rentes
Tout comme les cotisations des employé-e-s et des employeurs, les rendements issus des placements sont indispensables pour générer et verser les rentes de retraite.
Les éléments clés nécessaires pour générer les rentes de retraite sont au centre des discussions concernant . Parmi eux, on compte l’âge de départ à la retraite, le taux de conversion, la déduction de coordination ou encore les taux de cotisation. La stratégie de placement constitue quant à elle l’un des facteurs clés pour générer des rentes élevées.
Si les rendements issus des placements étaient suffisamment élevés, ils pourraient régler à eux seuls le problème de financement des retraites. Malheureusement, il ne s’agit que d’une supposition, car le montant des éventuels rendements de placement générés ne se décrète pas. Tout dépend de la situation des marchés financiers. Seule une stratégie de placement mûrement réfléchie vous permettra d’obtenir le maximum de rendements. Afin que chaque institution de prévoyance puisse mettre au point une stratégie de placement sur mesure, il est nécessaire de définir des conditions-cadres, c’est-à -dire des directives de placement réalisables.
Les rendements issus des placements sont indispensables
Les phases d’accumulation et de dépense du capital retraite pour une personne assurée (graphique 2) permettent de comprendre clairement l’importance des rendements issus des placements. Ce graphique montre l’accumulation des avoirs de vieillesse durant la vie active et leur dépense à la retraite. Alors que l’évolution exacte du montant de l’avoir de vieillesse dépend de plusieurs paramètres (dont certains ont été mentionnés plus haut), environ 50% du capital épargné par une personne assurée au moment de la retraite provient du cumul des rendements issus des placements. Cela montre l’importance de la stratégie et des directives de placement choisis.
Est-ce si difficile que cela d’investir?
Comme les rendements issus des placements jouent un rôle crucial dans le 2e pilier, il faut bien réfléchir à la façon dont on place son argent afin d’obtenir les meilleurs rendements possibles. L’année 2022 est très représentative des défis auxquels les institutions de prévoyance peuvent être confrontées. Pour ne citer que quelques exemples: une perte de diversification des portefeuilles mixtes, la hausse de l’inflation et des taux, la hausse du prix des matières premières, le cours de l’or décevant, les nombreux risques géopolitiques, les craintes de récession ou encore le durcissement de la politique monétaire de plusieurs banques centrales. Malgré tout il n’y aura, cette année encore, pas de recette magique pour réaliser des investissements fructueux.
Les résultats des placements 2022 en ont fait les frais (graphique 3). , qui sert souvent de point de comparaison pour les caisses de pension, le montre clairement. En 2022, un portefeuille diversifié type affiche une performance de –13,9% environ. Même avec une part d’actions plus faible (25%), la performance annuelle n’est guère meilleure (–13,2%). Ainsi, selon la Commission de haute surveillance de la prévoyance professionnelle () environ 56% des caisses de pension étaient à découvert à la fin du troisième trimestre 2022.
Directives de placement OPP 2: le statu quo
Que dit l’OPP 2 sur les directives de placement? Les directives de placement sont définies dans onze articles (art. 49 à 59), en plus d’autres exigences relatives au processus de gestion de patrimoine et notamment, à la gestion des risques. Cette ordonnance explique également comment trouver un équilibre entre sécurité, rendement et liquidité tout en définissant les principes de diversification à suivre. L’on y trouve une liste exhaustive des placements autorisés ainsi que des limites par catégorie de placements et par débiteur. Cette dernière est complétée par plusieurs articles sur les limites en matière de biens immobiliers, d’instruments financiers dérivés et de placements chez l’employeur. L’article 50, alinéa 4, mérite une attention particulière. Il s’agit d’une clause d’exception autorisant les institutions de prévoyance à étendre leurs possibilités de placements à condition qu’elles respectent les conditions mentionnées dans les trois paragraphes précédents.
Des directives controversées
Les directives de placement OPP 2 font l’objet de plusieurs critiques. Parmi elles, on compte quatre points clés:
Les politiques actuelles font également l’objet de critiques. On trouve ainsi le postulat de Damian Müller «» qui fait appliquer pleinement la «prudent investor rule» (règle de l’investisseur prudent). Nous expliquerons plus en détails dans cet article ce que ce postulat implique. La motion «» du membre du Conseil national Andri Silberschmidt demande, entre autres, la suppression des limitations par catégories.* Dans une approche différente, on trouve la motion de Franziska Ryser intitulée «». Elle souhaite obliger les institutions de prévoyance à investir, en l’espace de dix ans, au moins 1% de leur portefeuille de placements dans des financements de capital-risque, et ce afin de favoriser la transition vers une économie sociale.
Directives de placements: un véritable frein?
Les limites par catĂ©gories de placements constituent-elles vraiment un frein? Si l’on prend comme point de comparaison l’allocation d’actifs moyenne des institutions de prĂ©voyanceAccĂ©dez Ă l’étude Ă۶ąĘÓƵ sur la performance des caisses de pension ici. des 17 dernières annĂ©es, la rĂ©ponse est simple: non. L’allocation dans des placements alternatifs (Hedge Funds, Private Equity, investissements dans les infrastructures, matières premières) ne dĂ©passe Ă aucun moment plus de 10% durant la pĂ©riode donnĂ©e, alors mĂŞme que les directives actuelles autorisent une allocation totale de 30% dans de tels placements (15% de placements alternatifs, 10% d’investissements dans les infrastructures, 5% d’investissements privĂ©s suisses). Le constat est le mĂŞme pour l’ensemble des institutions de prĂ©voyance, autrement dit pour les petites et les moyennes caisses de pension. Ces dernières, limitĂ©es dans leurs activitĂ©s de placement, peuvent et doivent recourir Ă la clause d’exception mentionnĂ©e plus haut.
Prudent Investor Rule
L’une des personnalités politiques mentionnées plus haut souhaite faire appliquer la «prudent investor rule» (règle de l’investisseur prudent), profondément ancrée dans le droit américain et britannique. Pour cela, des prescriptions générales s’appliquent lors de l’exécution des obligations fiscales, généralement effectuée par un conseil de fondation. Ces prescriptions générales s’appliquent à toutes les décisions de placement qui doivent ainsi être prises en faisant appel à une mûre réflexion, la plus grande prudence et de solides compétences financières. Néanmoins, il n’existe pas de définition absolue de l’univers de placement ou de limites explicites.
Les deux effets majeurs de la «prudent investor rule» sur les investissements peuvent être représentés à l’aide d’un graphique rendements/risque et de la courbe d’efficience (graphique 4). Cette dernière représente tous les portefeuilles efficients, c’est-à -dire les portefeuilles dont les rendements attendus sont au maximum pour un niveau de risque donné ou ceux dont le niveau de risque est au minimum pour des rendements attendus donnés.
Le premier effet permet de constater une croissance de la courbe d’efficience en l’absence de limites prédéfinies. Cela veut dire que l’on cherche à obtenir des rendements attendus plus élevés en acceptant un niveau de risque plus important. Le deuxième effet permet de constater un glissement de la courbe d’efficience dans le cas où l’on exploiterait toutes les nouvelles opportunités de placements éventuelles ou les catégories de placements supplémentaires. Dans l’idéal, on obtiendrait des rendements attendus plus élevés pour un même niveau de risque. Ces deux effets devraient permettre une augmentation des rendements ou améliorer considérablement l’efficience des placements grâce à un meilleur rapport rendements/risque.
Modifications récentes des directives de placement OPP 2
Suite Ă ces remises en question, deux modifications des directives de placements dans l’OPP 2 ont vu le jour rĂ©cemment. Depuis octobre 2020, les infrastructuresCliquez ici pour accĂ©der Ă l’article Ă۶ąĘÓƵ sur les investissements dans les infrastructures. sont considĂ©rĂ©es comme une nouvelle catĂ©gorie de placements Ă part entière, avec une quote-part maximale limitĂ©e Ă 10%. Ainsi, les placements dans les infrastructures ne sont plus imputĂ©s au quota des placements alternatifs, qui reprĂ©sentent 15% du patrimoine de placement au maximum. Ainsi, on a pu constater une hausse de la demande en placement dans des infrastructures, notamment en raison de leur meilleure diversification des portefeuilles. Cependant, investir dans des infrastructures n’est pas chose aisĂ©e et la tâche comporte plusieurs dĂ©fis. Selon les statistiques actuelles disponibles, le quota de 10% semble plutĂ´t Ă©levĂ©.
Début 2022, une seconde mesure a été prise et une nouvelle catégorie de placements «» a été ajoutée au catalogue des placements avec un quota de 5%. Cette opportunité de placement n’est plus proposée au détriment des placements alternatifs. Cependant, le fait qu’il existe très peu de produits de placements adaptés constitue un obstacle à ce type d’investissements. Pour le moment, aucun changement de comportement d’investissement n’a été constaté chez les institutions de prévoyance. L’avenir nous dira si cette modification était nécessaire.
La durabilité comme ligne directrice
Les conditions-cadres et l’étendue des possibilités de placement des institutions de prévoyance ne sont pas seulement définies dans l’OPP 2. Les institutions de prévoyance s’appuient également sur les recommandations et les normes de l’Association Suisse des Institutions de Prévoyance (ASIP). Elles prennent notamment en compte le publié par l’ASIP en juillet 2022. Ce dernier contient des instructions relatives à l’intégration et à l’ancrage de la durabilité dans le processus d’investissement. Ce guide a été complété par les normes de , publiées en décembre 2022 et entrées en vigueur au début de l’année 2023. La prise en compte des normes ESG lors de l’élaboration et la mise en œuvre de la stratégie d’investissement aura probablement plus d’impact sur les activités de placement que la (future) révision des directives de placement OPP 2.
Nouveauté dans l’organisation des placements
La marge de manœuvre sur les activités de placement n’est pas seulement influencée par l’autorisation d’établir une stratégie de placement, mais également par les possibilités en matière d’organisation des placements. Ces dernières peuvent contribuer de manière significative à l’augmentation des rendements issus des placements. Il est important de prendre en compte la révision de la loi sur les placements collectifs (LPCC), adoptée par le Parlement en décembre 2021. Elle introduit une nouvelle catégorie de fonds, le (L-QIF). Les L-QIF sont une alternative aux produits de fonds étrangers existants comme le RAIF (Reserved Alternative Investment Fund) au Luxembourg. Cette révision est destinée à renforcer l’attractivité des fonds de placement suisses et à faciliter la mise sur le marché de produits innovants.
Du point de vue des institutions de prévoyance, les L-QIF offrent la possibilité de mettre en place une organisation des placements efficace avec des thématiques d’investissements individuelles. Ce type de fonds n’est soumis ni à l’approbation ni à l’autorisation de l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) et bénéficie de prescriptions de placement relativement libres, surtout en matière de placements alternatifs. Pour pouvoir jouir de cette liberté, les institutions de prévoyance doivent être transparentes et montrer qu’elles respectent certaines exigences. La délégation de la gestion de fortune est définitive.
Tout comme les placements collectifs traditionnels, les L-QIF ne sont pertinents que pour les grosses caisses de pension et les institutions collectives et communes. La consultation sur les dispositions d’exécution a été clôturée en décembre 2022. Elles n’entreront pas en vigueur avant août 2023.
En conclusion
Les directives de placement OPP 2 devraient-elles être révisées? Les informations fournies dans cet article nous permettent de retenir les points suivants:
On peut conclure que les directives de placement OPP 2 actuelles sont tout à fait justifiées et suffisamment flexibles. Elles offrent aux petites et aux moyennes caisses de pension une ligne directrice précieuse. Cependant, les instructions de placement ne sont pas gravées dans le marbre. Au contraire, elles devraient s’adapter aux besoins des institutions de prévoyance et aux nouvelles exigences. Compte tenu de leur importance au sein des activités de placement des institutions de prévoyance, elles devraient toujours faire l’objet de révisions réfléchies.
* Cette motion a été rejetée par le Conseil des Etats le 15 mars 2023, ce qui signifie qu’elle est liquidée.
Sven Ebeling
Asset Servicing Switzerland, Ă۶ąĘÓƵ Switzerland AG
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